Dans cette œuvre magistrale, Dostoïevski nous donne deux clés pour bien comprendre le labyrinthe de la dépendance : l’histoire de chaque être humain et l’abandon irrationnel à la passion.
Au 19e siècle, c’était la roulette, aujourd’hui ce sont les jeux plinko en ligne. Quoi qu’il en soit, la lutte d’un homme contre la dépendance au jeu peut être aussi terrifiante pour lui que énigmatique et désespérée pour son entourage.
Il arrive souvent que ceux qui voient un proche perdre son temps dans les mirages obstinés des jeux de hasard tentent de l’arrêter, de l’aider, de lui faire entendre raison… mais ils ne parviennent qu’à alterner entre l’inquiétude et la frustration devant les chutes et les rechutes de cette personne de plus en plus possédée par le vice. Comment réagir face à cela ?
Dostoïevski connaît bien l’art de présenter des personnages marginaux pour nous montrer de nouvelles dimensions de l’être humain. Dans son roman « Le joueur » (qui ne fait que 183 pages !), Fiodor nous présente la chute d’un jeune homme normal dans le monde souterrain du jeu compulsif. Cette histoire, si on la regarde avec humilité, a une force très puissante pour nous aider à éprouver de l’empathie pour les personnes qui ont sombré dans la dépendance, et aussi à mieux nous comprendre nous-mêmes.
Le thème
Deux fils narratifs principaux émergent dans le roman, tous deux en compétition dans le cœur du protagoniste : l’amour ardent pour une femme et la fièvre grandissante pour la roulette. Face à ces deux forces si difficiles à modérer, la question est imminente : laquelle gagnera l’âme d’Alexei ?
La famille d’un général russe à la retraite passe ses loisirs dans la ville fictive de « Rulettenburg », dans le sud-ouest de l’Allemagne. Comme le nom de la ville l’indique, le casino est au centre de l’attention.
C’est dans l’entourage du général que se trouve le personnage principal de l’histoire : Alexei Ivanovich, un jeune précepteur russe qui parle et lit trois langues et qui travaille pour le chef de famille à l’éducation de ses jeunes fils.
Le général est veuf et amoureux d’une Française sophistiquée et frivole qui, de l’avis de tous, dira oui à la demande en mariage dès que la nouvelle de l’héritage attendu par le prétendant sera connue.
Ils sont accompagnés par d’autres membres de la famille, un Français cynique, un Anglais au grand cœur et la belle-fille du général, Polina, dont Alexei est follement amoureux.
Dans un premier temps, le jeune Alexei parvient plus ou moins à repousser l’esprit de méchanceté ambiant, mais Polina lui demande de jouer pour la première fois, de parier sur son compte. La première opération lui réussit, ce qui l’incite à prendre lui-même le risque ; il gagne, et le roman prend alors un autre envol : l’adrénaline coule dans ses veines, une force le pousse à revenir avec des promesses séduisantes de célébrité, de gloire et de succès ; il se rend compte à peu près que la roulette va à l’encontre de sa raison, mais comment s’en éloigner, comment ne pas regagner ce qu’il a perdu ?
Le double visage de l’addiction
Dostoïevski sait que les problèmes humains nécessitent une double approche pour être résolus, celle de la théorie et celle de l’expérience. Dans son cas, cette dernière contient souvent plus d’informations que la première. C’est ainsi que l’auteur nous entraîne avec une habileté sans précédent dans le labyrinthe complexe d’un homme qui perd peu à peu le contrôle de lui-même.
Dostoïevski nous donne deux clés pour bien comprendre le labyrinthe de la dépendance : d’abord, il nous montre l’histoire d’un être humain désespérément trompé par un leurre diabolique et nous fait assister à chaque pas, à chaque hésitation d’un homme dévoré par la passion.
Grâce à cet effort, nous réalisons soudain que nous sommes capables de nous identifier à sa souffrance. La deuxième clé, plus intéressante, est que Dostoïevski provoque en nous la question troublante de savoir si Alexei, d’une manière pas trop éloignée, pourrait peut-être être le lecteur.
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