–      Allo Julien ? C’est Hélène, ça va ?

–      Alors puisque tu me le demandes, non, pas vraiment. Je me demande qui je suis vraiment, et …

–      Je t’appelais pas pour ça. Demain, il y a le concert de Pink Floyd sur la place rouge, ça te dit ?

–      Moi, ça me dit, mais ils sont tous mort depuis longtemps, non ?

–      Il y a un rescapé, apparemment. Et il fait un concert. Bon tu viens ?

–      Ok. Il y aura qui ?

–      Natasha, Yann et son colloc Tom, peut-être Boris

–      Ok à demain.

Le lendemain, on se donne rendez vous à la sortie du métro. J’arrive avec 5 minutes d’avance,  et Hélène m’engueule parce qu’elle attend depuis 10 minutes toute seule. Désormais, j’arriverai en retard, comme tout le monde.

–      C’est abusé comme les gens sont toujours en retard, tu trouves pas ?

–      Ce qui est abusé, c’est les trente cars de flics autour de nous qui nous encerclent …

Effectivement, on était encerclés. Quand je dis cars, c’est une façon de voir les choses. Les cars Suzanne à côté, c’est les cars du futur. Et dehors, noir de militaires  et de OMON. Ces mecs, ils assurent tous les événements un peu «sportifs«, et ils peuvent te tuer sans trop de problèmes avec une main dans le dos, je pense.

Du coup, j’essaie d’imaginer ce que devaient être les concerts de Pink floyd à la belle époque, avec les drogues, les nanas seins nus, fleurs dans les cheveux, tout ça. J’ai un peu de peine pour le survivant. Quand il va voir ça …

Finalement, tout le monde arrive. Hélène les engueule un par un, je me marre, et me fais engueuler encore une fois. C’est parti pour le concert. Le chemin ? Facile, faut passer entre les deux rangées de bidasses. Les gamins, ils n’ont même pas tous 18 ans, j’ai l’impression. Ils  nous regardent un peu avec des yeux de bovins.

Arrivés à l’entrée, je demande à Tom :

–      Tom, tu aurais pu nous dire que le concert n était pas SUR la place rouge mais DERRIERE la place rouge, entre le pont et l’église de Basile le Bienheureux !

–      Ah les cons …

–      Regarde, Tom , c’est pas tout ! Le devant de la scène est vide ! ils mettent tout le monde sur le côté, derrière des barrières !

–      Pas tout le monde, regarde, il y a un carré de chaises. Mon dieu, c’est le carré VIP, c’est pour ça qu’ils vendaient des places à 10 000 roubles (250 euros)

Et oui, ils avaient fait ca. Et là, pour le coup, il y avait du connard. Beaufs de 50 ans avec leur casquette et leur gros bide, venus avec leurs femmes en tenue Léopard et leurs enfants moches. Et nous, on était ou, alors ? Sur les côtés !

Entassés mais heureux d’être ensembles, entre fans, à chanter et à danser ? Non, car c’est là où les organisateurs ont eu le génie de faire des rangées de militaires ENTRE  des rangées de gens pour bien les séparer. Des fois que …

Personnellement, je trouve qu’ils ne sont pas allés assez loin. Par exemple, vu qu’il y avait autant de militaires en tout genre que de participants, ils auraient pu nous obliger à tous leur tenir la main. Et là, on aurait eu un symbole assez fort. Mais c’est pas comme ca que ca s’est passé…

Sur scène, Roger, notre survivant, a juste halluciné. C’est marrant, parce que visiblement, il n’était pas au courant que ça se passerait comme ça. Chanter devant 50 connards assis sur des chaises en carton, d’habitude, ça se fait en maison de retraite, pas à un concert des Pink Floyd, putain.

Que les choses soient claires, on s’est vraiment marrés, nous, dans les « tribunes«, parce qu’une organisation pareille, c’était juste incroyable, et malheureusement j’ai jamais revu ça depuis. A un moment, Rodger, il a tenté un : Please stand up, à l’attention du carré VIP juste en face de lui. Deux vieux se sont levés.

Le seul bémol, c’est que comme on avait le droit à rien, on a du attendre la fin du concert pour aller boire une bière. Bien méritée à mon avis !