Après avoir été surpris par Asura, un long métrage japonais cru et sans concession, le public du festival Fantasia 2012 a pu s’essayer à un monument du manga, le très justement nommé : Berserk. La célèbre série initiée par Kentaro Miura en 1989 (et toujours en cours de publication) met en scène un des univers les plus sombres que la grande famille du médiéval fantastique a eu l’occasion d’accueillir. Ici, le Studio 4°c (qui avait déjà oeuvré avec brio sur l’exceptionnel Memories, Amer Béton ou encore une partie des courts métrages de Animatrix) met la main sur un projet particulièrement ambitieux : retracer les mésaventures de Guts avec trois longs métrages anime ; un genre de condensé des 25 épisodes sortis à la TV et dans toutes les bonnes boucheries entre 1997 et 1998.

Vu le succès commercial des livres et de son adaptation TV, l’équipe de production a mis le paquet pour débloquer des budgets digne de satisfaire les pelletés de fans qui attendaient ce premier épisode au tournant. Le résultat graphique est d’ailleurs assez impressionnant. De très nombreuses scènes pour ne pas dire la totalité ont bénéficié de l’outil informatique ce qui massacre un peu le trait de l’auteur mais il n’est pas possible de faire la fine bouche devant un tel déballage de maîtrise des techniques d’animation. Le capture-motion a apparemment beaucoup été mis à contribution pour les scènes de combat qui s’enchaînent au rythme frénétique d’une histoire synthétique.

Pour ce qui est du scénario justement, l’adaptation se veut particulièrement fidèle et retrace tous les moments clés de la période où Guts rejoint la brigade du Faucon. Un regret peut être, l’ellipse gigantesque qui enjambe l’enfance du guerrier à l’épée colossale. Celle-ci sera évoquée très brièvement dans les cauchemars de notre protagoniste et empêchera peut être le spectateur non initié de comprendre comment ce mercenaire a pu se tailler un caractère d’acier auquel aucune armure ne semble résister.

Côté gore, la bataille d’introduction du film situe plutôt bien le positionnement de l’ensemble du film : de la violence brute, des membres qui volent, des montures tranchées dans la longueur et tout un festival d’oeils sortis de leurs orbites et autres marmelades de cerveaux broyées sous les casques. Le rythme est ceci dit assez mollasson dans cette partie de l’histoire puisque chaque bataille est entre coupée de scènes de festoiement, jeux d’influence entre nobles et démonstrations de fraternité. La violence omniprésente viendra sûrement avec les deux actes suivants si l’histoire originale est toujours respectée au plus proche.

Le résultat à l’écran est assez impressionnant tant chaque aspect du film paraît maîtrisé sur le bout des moignons. Il me semble que les fans déjà conquis au genre et à l’univers seront aux anges. Les autres risqueraient tout au plus de passer à côté d’éléments de scénario qui donnent de la profondeur aux personnages pour éviter à l’histoire de sombrer dans la violence gratuite et systématique (encore que …). L’absence de message induit ou le manque de sollicitation de la réflexion du spectateur enfermera donc le film dans ce statut de divertissement ; car après tout, aussi réussie soit cette démonstration de talent, n’est pas Shirow ou Miyazaki qui veut.

Mais j’arrête de bouder mon plaisir, et je vous avoue quand même avoir hâte de connaître la suite des aventures de Guts, Casca et Griffith. Un trailer de l’acte III (prévu pour début 2013) est déjà disponible sur la Toile et on y constate que les personnages n’ont pas fini de s’enfoncer dans la folie furieuse. L’acte II n’est pas encore distribué de manière officielle dans le monde entier mais il est sorti au Japon depuis le 23 juin dernier.